Interview de Martial Darbon

Communication de campagne
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Interview de Martial Darbon
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Bonjour, bienvenue dans le podcast Communication de campagne. Je suis Gaëlle Lethenet, sa fondatrice. On se retrouve une fois par mois pour parler de ruralité. Comment faire de la ruralité un allié de développement ? Développement économique, mais aussi social, sociétal, environnemental et culturel. Hors des grandes villes, des grandes agglomérations. Pour cela, je vais à la rencontre de celles et ceux qui font de la ruralité une force. Ensemble, on aborde les solutions pour créer du lien, des enclavés pour faire société. Mon intention avec ce podcast est de découvrir des réalisations inspirantes qui ont fait du territoire rural un facteur clé de leur succès. Je les interroge sur l’angle de la communication, qui fait partie des conditions essentielles pour la réussite d’un projet. Si tu apprécies ma démarche, tu peux en parler autour de toi, partager, écrire un commentaire ou donner une note. Si tu veux me contacter… Écris-moi à comdecampagne.com C’est qui le patron ? Tu connais ? La brique de lait, bleue, avec sa marque inscrite en gros, sans autre illustration. Même si tu ne bois pas de lait, tu as forcément entendu parler de cette marque, ou tu l’as aperçue en faisant tes courses au supermarché. Derrière cette petite brique et ce nom de marque interpellant, il y a une histoire incroyable. Incroyable ! Il faut se rendre compte que lorsque cette marque de lait est sortie, il y avait bien longtemps qu’aucune nouveauté n’était venue chahuter ce segment de produits. Un véritable défi relevé par des outsiders face aux puissantes industries laitières. Cette marque s’est faite une place dans l’univers de Pâques de lait sans pour autant mettre en péril les autres. Cette histoire, elle a été écrite par des gens de bonne volonté, qui se sont unis pour sauver des exploitations agricoles et surtout des familles du désastre économique. Des gens sans grands moyens financiers, mais avec des valeurs et des convictions en bandoulière, persuadés qu’un autre modèle de distribution et de communication est possible. Des gens prêts à s’investir, à investir toute leur énergie, Tout leur temps pour expliquer leur démarche, le fonctionnement d’une ferme agricole de vaches laitières, l’économie du secteur, l’intérêt de conserver des agriculteurs dans les campagnes, le produit, sa production, sa qualité, et donc son prix, légèrement plus élevé que d’autres briques de lait. Une épopée avec du suspense, des situations angoissantes et des rebondissements imprévus. Une histoire vraie, à dimension humaine, qui se passe en zone rurale. Je te propose d’aller à la rencontre de Martial Darbon. Son nom ne te dit sans doute rien et pourtant, il est l’un des acteurs historiques, l’un des piliers, sinon LE pilier de cette histoire, sans qui elle n’aurait pas existé. Martial habite dans l’Ain. Je suis allée chez lui, dans sa maison, construite après qu’il ait vendu sa ferme, pour prendre sa retraite avec Martine, son épouse. Martine que je tiens à citer car elle a eu un grand rôle, comme des milliers de femmes d’agriculteurs. Elle est dans l’ombre de son mari, mais sans elle, Martial n’aurait pas pu mener cette aventure. La ferme, il faut qu’elle tourne, jour et nuit, le vivant n’attend pas, pas de bouton pause. Elle est un soutien moral également. À eux deux, ils ont réalisé quelque chose d’unique. Avant d’écouter notre entretien, cet enregistrement, il n’est pas parfait. Ma prise de son s’est faite un petit peu trop vite. Tu constateras quelques saturations au niveau du son. Je m’en excuse d’avance. La rencontre avec Martial, c’est maintenant. Allez, c’est parti. Bonjour Martial.

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Bonjour Gaëlle.

  • Orateur #0

Je suis ravie de te rencontrer et je te remercie de bien vouloir m’accueillir chez toi à Jaillat.

  • Orateur #1

Je suis ravi aussi parce qu’on est dans une belle région, la Bresse, c’est assez sympa, moi j’y suis bien. Et puis parler de la ruralité c’est toujours assez sympathique, surtout quand on l’apprécie.

  • Orateur #0

Avant de démarrer notre interview, j’aimerais que tu décrives l’endroit où tu me reçois, où nous sommes.

  • Orateur #1

Moi je suis un nouvel arrivant depuis 2019 à Jaillat. On a transmis l’exploitation, donc on est venu habiter ici. On cherchait une maison et puis on ne trouvait que des maisons à étage. On ne s’y sentait pas bien, monter les escaliers, vieillir, ça ne paraissait pas nous correspondre. Donc Martine a trouvé un terrain à la sortie de Jaillat, collé à la commune, mais on voit le panneau Jaillat, mais on n’est pas dans le village même. Et puis avec un espace de liberté assez vaste parce que volontairement on a mis deux, trois belles baies vitrées pour pouvoir avoir accès directement sur la nature parce que quand tu as bossé toute ta vie dans la nature, tu as envie de la garder un peu près de chez toi.

  • Orateur #0

Effectivement, on a une belle vue sur les champs environnementaux, le paysage extérieur, on voit loin.

  • Orateur #1

Oui, et aujourd’hui encore ce n’est pas très clair, mais on voit bien sûr à l’ouest le Mâconais, on voit la Bresse côté Jaillard, on voit le Revermont et l’arrière-plan du Jura et des Alpes de l’autre côté. C’est vrai que c’est assez sympa.

  • Orateur #0

Martial, tu es le co-fondateur de la marque C’est qui le patron ? Avec Nicolas Chaban et Laurent Pasquier. En tout cas, tu es celui avec qui ça a pu fonctionner ? Oui.

  • Orateur #1

Oui, l’idée principale est venue de mes deux collaborateurs, de mes deux copains, mais le fournisseur de la matière première agricole, du moment, j’expliquerai après. Effectivement, je suis bien l’intervenant principal.

  • Orateur #0

Avant d’aborder cette histoire, on va s’intéresser à toi, Martial. Est-ce que tu peux te présenter ? Qui es-tu ? D’où viens-tu ? Comment es-tu devenu agriculteur ?

  • Orateur #1

Eh bien, alors moi je suis le septième d’une famille de huit enfants. Je suis un fils de quelqu’un qui a pas mal souffert. Il est né en 1912. Il y a eu la guerre de 14-18, il a perdu son propre père. Donc ça n’a pas été facile pour lui. Après il y a eu un remue-ménage assez important qui a fait que c’est quelqu’un qui s’est marié tard, après 39-45. Puis à l’époque, marié avec une plus jeune que lui, puisqu’elle avait 10 ans de moins. Je suis né en 1922, ma mère, et derrière il y a eu 8 enfants et je suis le 7ème. Moi je suis né, ils avaient déjà acheté l’exploitation à Domartin, ils avaient acheté en 1956, et moi je suis né en 1959.

  • Orateur #0

C’était une ferme traditionnelle, si je puis dire. C’est-à-dire avec plusieurs activités ?

  • Orateur #1

Oui, en Brest, on est à la fin des années 50, il n’y a pas de souci. En Brest, vous avez systématiquement un peu du lait, de la volaille, éventuellement un peu des porcs, mais beaucoup de volailles de Brest bien sûr, il y a un vrai commerce de la volaille de Brest. Et par la ville qui vient chercher directement en ferme, et par les ventes de marché qui étaient quand même très importantes à l’époque, avec beaucoup de faiseurs.

  • Orateur #0

Ok, tu as grandi dans un milieu, un environnement agricole.

  • Orateur #1

Voilà, c’est vrai que j’étais très actif et que je participais, j’étais toujours dans les pattes de mes frangins et de mon père, et très vite j’étais passionné très très tôt. Et c’est vrai que très vite j’ai participé à la vie de la ferme. Et c’était… Je vais oser parler un truc de jeune, c’était un vrai kiff pour moi, c’est sûr.

  • Orateur #0

D’accord. Donc plutôt une vocation, un métier passion. Oui.

  • Orateur #1

Mais vraiment.

  • Orateur #0

Ça se sent tout de suite. Donc du coup, tu es parti en internat.

  • Orateur #1

Donc je suis rentré à l’internat au LAM, au lycée agricole de Montmoreau. Et j’ai fait ma formation agricole, toute ma formation agricole là-bas. Et j’y suis ressorti en 1976.

  • Orateur #0

Et après ?

  • Orateur #1

Et bien après, on bosse. Après, même pendant, on travaille. C’est-à-dire que pendant les week-ends, les vacances, à 14 ans, vous avez le droit de grimper sur un tracteur, vous avez le droit d’aller donner un coup de main, vous avez le droit de bosser, vous montez sur un escabeau, puis vous vous cassez pour la figure parce qu’on vous a appris à monter un escabeau. Puis vous travaillez, puis vous bricolez, vous faites une petite cagnotte, et puis vous devenez autonome, puis vous avez envie. Moi j’ai bossé dans l’exploitation familiale et dans une ETA, une entreprise de travaux agricoles. Et puis mon père m’a donné la possibilité de faire mon petit atelier tranquillou. Et c’est comme ça que j’ai démarré. Profiter de ma jeunesse malgré tout. Et puis d’un autre côté, pouvoir donner un gros coup de main dans la famille et avoir son autonomie économique.

  • Orateur #0

Et donc ton lancement dans la vie professionnelle, ça s’est fait au sein de la ferme familiale ?

  • Orateur #1

Oui, c’est-à-dire que mon père, comme il était âgé… Imaginez deux secondes, je suis né, il doit avoir 47 ans. Donc quand j’ai 20 ans, il en a 67. Forcément, c’est urgent de taper dedans et d’aider, même si les frères viennent donner un coup de main, les sœurs un peu moins, parce que si, la dernière a aussi beaucoup participé. Puis après, les frangins donnent des coups de main le week-end, le machin. Donc on se débrouille pour que ça fasse, mais ça va être urgent de prendre l’orlais. Puis d’un autre côté, son épouse a 10 ans de moins, donc c’est pareil. Pour que ça fasse, ils vont arrêter en même temps. Moi, en 1976, j’ai arrêté l’école. En 1979, j’ai eu 20 ans. Je suis en train de regarder sérieusement. C’est possible. La majorité est arrivée à 18 ans, il y a quelques temps déjà. Et puis, j’ai rencontré Martine en même temps. Enfin, un peu avant, mais on s’est mariés en septembre 1979. Et finalement, on s’est installés. Je me suis installé à l’automne 1979.

  • Orateur #0

D’accord, effectivement, tout à l’heure, je n’ai pas parlé de Martine, mais je suis accueillie par Martine et toi, qui n’est pas très loin. Il y a également un grand rôle.

  • Orateur #1

J’en parlerai parce que c’est plus que de l’admiration.

  • Orateur #0

C’est de l’amour. J’en parlerai. Revenons donc à cette exploitation que tu reprends. A l’époque, elle était constituée…

  • Orateur #1

A l’époque, c’est une petite exploitation traditionnelle de Brest. Il y a une trentaine d’hectares, un peu de lait, il n’y a toujours pas de coteau. Et puis, mes parents avaient arrêté la volaille parce que mon père fatiguait. Mais bon, un peu des… de la viande, c’est-à-dire qu’il y a un croisement industriel sur les vaches où tu ne gardes pas les veaux, mais tu les emmènes, les bestiaux, jusqu’à… Jusqu’à ce qu’il soit bon pour faire du steak. Et puis un peu de céréales polyculturelles. On va l’appeler comme ça parce qu’aujourd’hui ça ne veut pas dire grand chose. Vu les tailles, elles sont prises. Mais on est porte des années 80.

  • Orateur #0

Et également un petit peu de culture.

  • Orateur #1

Il y a l’autonomie. C’est-à-dire qu’il y a les cultures pour la volaille, pour les vaches. C’est un peu l’époque. On a déjà les démarrages, les premiers arrivages de bâtiments hors sol. Complètement intégrés où l’aliment vient d’ailleurs. Compte tenu de l’âge de mon père, ça c’était pas possible.

  • Orateur #0

Et toi, quel projet tu as pour cette ferme ?

  • Orateur #1

Moi je suis passionné de l’âge. Je suis parti à Aulam, donc forcément le lycée agricole de Montmoreau, on est dans le milieu des vaches. Des vaches avec du lait à compter déjà. Ma formation elle est spécialisée élevage, laitier. Alors bien sûr on fréquente un peu les cultures, mais moi j’ai une très bonne formation à l’époque. Je connais parfaitement le monde animal. J’ai une formation d’éleveur producteur de lait.

  • Orateur #0

D’accord, et donc là, Martine te rejoint. Oui. La femme…

  • Orateur #1

En 1979, ma première fille est née en 1980, derrière mon fils en 1981. Elle était secrétaire de mairie à l’époque, mon mère sur Saône, donc par à côté de De Martin, il y a un peu de kilomètres. C’est compliqué, donc elle se met un peu en disponibilité. On avait déjà un peu le droit au niveau de l’administration. C’est possible de sortir un salaire autrement, donc assez vite. On se dit qu’il faut faire différemment. L’avantage de Martine, c’est qu’elle ne connaît pas les travers de nos métiers ou les grosses incidences qui peuvent arriver, mais c’est quelqu’un de très courageux au départ, qui a une bonne formation économique. Ça aide sur les documents, ça aide sur les projets, on partage des projets en commun, on partage tout, on fait beaucoup d’administratifs en plus, puisque le secrétaire de mairie a été un peu habitué à toucher à l’or.

  • Orateur #0

D’accord. Et donc là, les premières années, ça se passe ?

  • Orateur #1

Les premières années, c’est assez facile parce que vous tirez, vous faites un plan. A l’époque, vous faites des plans de développement, ça s’appelle. Vous tirez un plan qui correspond à vos investissements, vos financements. Et puis derrière, si vous produisez, ça passe. Et donc, ça passe. Donc, nous, on achète en 79. Je loue les terrains, mais j’achète la totalité des bâtiments. Et comme ça, ça me permet d’attaquer aménagement. Donc, première stabulation libre qu’a e-body en 1981.

  • Orateur #0

Est-ce qu’on peut parler de spécialisation ?

  • Orateur #1

L’exploitation se spécialise dans le lait jusqu’à ce qu’on nous coupe un peu notre envie, puisque les quotas sont arrivés en 1983. Mon plan de développement était de 80, donc normalement il était prolongé jusqu’en 85, et là l’administration déjà me le bloque, mes remboursements continuent à progresser, mais mon volume de lait est bloqué. Donc très vite il faut réagir, et on a démarré, moi j’avais déjà jeune, chez mes parents j’avais un atelier de canard industriel, et donc je démarre une petite production de canard industriel pour compenser les pertes du trou pour les pieds. On fait une deuxième production qui vient s’asseoir en termes de travail et qui vient compliquer encore la situation un peu plus.

  • Orateur #0

Justement en termes de travail, ça se représente ?

  • Orateur #1

Ce n’est pas un investissement, c’est un investissement temporaire, provisoire pour faire de l’argent. Vous n’y mettez pas trop d’argent, donc c’est une époque où on porte beaucoup, où les sacs de 50 kilos sont courants et où arrivent très vite, heureusement, les premiers roomballeurs, mais les petites bottes carrées par milliers sont d’actualité. En 1983-1986, on révolutionne tout ça. Le sisman collectif, les cumas sont arrivés, l’ensilage est monté en puissance au détriment du foin, mais moins de manutention. On a un des rares métiers où on a une évolution technologique et technique sur 50 ans qui a été exceptionnelle. Vraiment, mais vraiment. Vous montez dans un tracteur aujourd’hui avec les tableaux de bord.

  • Orateur #0

Un peu Ferrari.

  • Orateur #1

Je ne sais pas si c’est de la progression ou du modernisme, mais ce qui est sûr c’est que c’est du modernisme qui nous a quand même permis de progresser, qu’on le veuille ou non.

  • Orateur #0

Et donc voilà, 86, donc 83 un tournant avec les quotas, 86 ça s’accélère un petit peu.

  • Orateur #1

Oui, c’est un peu plus compliqué oui. Le seul souci qu’on a eu dans ces années-là, c’est le taux d’inflation et c’est surtout les taux d’intérêt. Moi je me rappelle, on s’arrachait les cheveux pour essayer de financer des drainage ou même un peu du matériel. Des taux d’intérêt à plus de 10, mais on en a eu, je pense que tous les gens de mon âge en ont connu. Le pire que je suis monté, ça devait être un peu plus de 13, c’est colossal. On passait sa vie, rendez-vous chez nous. les banquiers pour essayer d’y négocier et d’y gérer. C’était compliqué les financements à l’époque.

  • Orateur #0

D’accord. Et donc année après année, les choses sont devenues de plus en plus difficiles.

  • Orateur #1

Le constat, c’est que beaucoup de gens, il y a eu des plans sociaux sur les quotas qui sont arrivés. Il y a eu un plan social sur l’aménagement des quotas, des cessations laitières d’activités, beaucoup pour éviter les stocks européens. Déjà à l’époque, il y avait des stocks colossaux de beurre, de poudre qui, pour certains, étaient congelés. Ça coûtait une blinde à tout le monde. Et donc, ils arrêtent. …aménagement et des volumes de lait qui sont passés d’une maison à l’autre. Et donc, il y a eu une croissance assez importante des exploitations. Donc, l’exploitation, elle passe très vite, d’une trentaine d’hectares à 45, puis après à 50, puis 60, puis voilà. Et puis, elle continue à progresser, quoi.

  • Orateur #0

Et au niveau rémunération ?

  • Orateur #1

La rémunération, elle n’a pas progressé. La rémunération, on l’a adaptée pour que… Vous savez, je la résumerai assez vite sur une carrière de 40 ans. Deux ans et demi, c’est à peu près un tiers du temps que j’ai passé ma vie à essayer de clôturer. Un tiers du temps, on a clôturé sans trop de difficultés, se rémunéré un peu comme on pouvait. Et puis un tiers du temps, on s’est bien rémunéré. C’est pour ça d’ailleurs les accidents permanents, des cours, des surproductions, mais aussi des impacts politiques sur les contractualisations. Parce que quand on change de pouvoir ou quand on change d’orientation politique, derrière on change de contractualisation, on change d’allié naturel. naturel de nos contrats et forcément ça il y a une implication qui est grande et puis il y a aussi une propre concurrence interne qui est terrible entre les zones qui ont des capacités, qui ont des opportunités de développement. Par exemple arrive le tourteau de Colsos, Soja, des Etats-Unis, du Mexique, d’Argentine, partout, il arrive par la mer, forcément la Bretagne est mieux placée que nous. Où on est situé, les coûts sont supérieurs donc les industriels en bavent un peu plus. Une zone de développement où il y a beaucoup de monde, donc il y a un impact économique aussi plus important, il faut payer les salaires peut-être un peu plus, etc. Et on crée des divergences et on voit nos outils de production et même nos volumes de production partir sur le côté Grand Ouest.

  • Orateur #0

Et donc là, on avance un petit peu dans le temps. Oui. Je crois qu’à un moment donné, tu crées une coopérative.

  • Orateur #1

On parlait des accidents de prix et à un moment donné, donc forcément, tu l’ouvres un peu de temps en temps, tu as le niveau pour l’ouvrir. Alors, je suis en réunion dans le bassin de production du Brest-Val-de-Saône et il y a un syndicat de vente à l’époque. C’était un monsieur Rion, la ferme était originaire de Vézine, qui était président. Et puis, j’interviens parce qu’il y a une histoire, il y a une incompréhension totale sur les prix. Et donc, finalement, en fin de réunion, je me trouve… embarqué comme administrateur stagiaire et puis élu l’année d’après avec d’ailleurs un autre copain qui s’appelle Christian Brouillard. Et on est deux à rentrer cette même année en 1983. Et très vite, je m’implique dans la filière laitière et puis les quotas s’installent et puis ça devient plus compliqué. La restructuration des entreprises à l’époque fait qu’il faut s’y intéresser et donc on crée notre propre outil. Le syndicat se tourne en coopérative de vente pour pouvoir contractualiser, pour pouvoir faire la vente en direct auprès des soutiens industriels parce que celui-ci s’éloigne du secteur. Je suis membre historique de la création de la coopérative puisqu’on était sept. Le président à l’époque c’était M. Blanc. Je suis le jeune de la bande, mais on est deux, trois jeunes à accompagner le mouvement. Et puis on ne l’a jamais quitté.

  • Orateur #0

Alors comment ça marche une coopérative ?

  • Orateur #1

Une coopérative c’est simple, c’est qu’à un moment donné on met les produits en commun pour essayer de l’offrir à une contractualisation. Donc il faut que tout le monde s’entende sur l’aspect transport, l’aspect qualité, l’aspect production, le coût de production, etc. Donc c’est jamais facile. Mais on essaye et de toute façon il faut se dégager une majorité relative. C’est bien un vote à la majorité relative, il y a une assemblée générale et on a des études qui servent à être collaboratifs et qui servent à essayer de résister et de partager. La coopérative Brest-Val de Saône a été vraiment créée pour essayer de résister aux négligences du marché national et à la pression permanente du monde industriel. En 1991, j’en deviens président et on est en 1990 associé à une union de coop pour tout ce qui était gestion administrative. Donc le côté administratif, le côté salarié était tout délayé à l’URCBL à l’époque. Donc c’est une union régionale et coopérative qui permet de mettre en marché le lait au mieux. On fait au mieux, on ne dit pas qu’on fait parfaitement, loin de là.

  • Orateur #0

Et comment on trouve ses clients ?

  • Orateur #1

Eh bien les clients il faut aller déjà les chercher, il faut se les offrir, il faut aussi se les offrir par l’exemplarité, c’est-à-dire un groupe de producteurs qui essaye de faire de la qualité, ça ne vous dit rien, un litre de lait c’est un litre de lait, mais il y a de la matière grasse dedans, il y a de la matière protéique, il y a de la qualité, il n’y a pas de germes, il n’y a pas de spores, on arrive à en trouver. On va arriver vite en 2016 puisqu’il y a eu plein de bouleversements, il n’y a plus eu plein d’économies, il y a eu plein de fermetures d’outils, on a été nous impliqués, la lettridergie qui faisait du… de lait matal, racheté par Lactel. Ils ont piqué les clients finaux et nous ont dit au revoir messieurs-dames, merci, au revoir, on ferme. Donc il faut retrouver sans cesse des débouchés, se réadapter et c’est comme ça qu’on est devenus des marchands de lait où on proposait notre propre lait mais avec une organisation de ramassage et de transport et d’accompagnement technique aussi des élevages. On essayait de faire au mieux. L’Italie qui est notre voisin rentre dans l’euro donc c’est bien mieux. Pour sécuriser, il ne faut pas oublier que l’Italie, quand elle consomme 100, elle en produit à peine 60 en litres de lait. Donc il y a un marché qui est intéressant, européen. Et on trouve des bouchées parce que les autres n’en veulent pas. Les marchés qu’on nous propose, on ne peut pas gagner notre vie. On va disparaître. C’est indéniable. Donc on essaie de trouver. Et finalement, on trouve en 2013 un marché qui est assez intéressant. Le prix moyen français est entre 30 et 32 centimes. On trouve avant de 34 centimes des parts fermes. Ça se passe plutôt pas mal. Oui. Et donc, 14, tout va bien, 15, tout va bien, et on arrive en 2016 où là, c’est pas mon industriel qui a un problème, c’est pas le marché qui a un problème. C’est un désaccord politique global entre la France qui ne livre pas des bateaux à la Russie, la Russie qui rétorque je ferme mes frontières au lait européen, je ferme mes frontières au port et là, le jeu de domino se met en route et tout se casse la gueule.

  • Orateur #0

Donc en fait, oui, là on est dans un marché mondial qui a la moindre fiction.

  • Orateur #1

On est déjà dans un marché européen qui géopolitiquement parlant n’est déjà pas très assuré. Très vite, on a été nous le dernier maillon. adaptable à la vie sociale française. On a gardé une mutualité sociale agricole. C’est assez surprenant de raconter ça aujourd’hui, mais collectivement, le monde agricole a pesé énormément, mais on a donné énormément. Vous pouvez bien comprendre que moi, de savoir qu’il y a des exploitations dans la précarité aujourd’hui, c’est insupportable pour mon cerveau. Donc juste pour dire, on arrive en 2016, et en 2016, le marché passe de 34 centimes en janvier. Moi, pour mon cas, on est… On est en avril-mai déjà 26, 25, 26 et puis on sait que ça va continuer à descendre et il faut trouver des solutions. Et c’est là où on se met en action à trouver des solutions. C’est là où on sort une feuille à quatre, double face, où on se présente, on présente les exploitations, il faut se bouger. Et on essaye de vanter les mérites de la Brest. On a des vaches qui pâturent, on est dans une zone où il y a encore beaucoup de prairies, on est autonome alimentaire, on est aux portes de Lyon, il y a des consommateurs. Et puis on est prêt à s’adapter, à bouger le modèle. On distribue ce flyer dans tous les grands magasins. On vient sur Montrevel, la mort Val-en-Bresse, Saint-Rivier, on parle de côté, Bourg, et puis on revient, on passe à Vonnaux, et le lendemain… Donc le matin je suis avec un de mes collègues, l’après-midi avec une, donc je vais les nommer tous les deux, et Wilfried et Aurélie, ils sont tous les deux avec moi. À chacun leur tour, ils sont avec moi, et on fait la totalité. Il y a des endroits où on est reçu à l’accueil à peine, et puis il y a des endroits où on rentre dans des discussions assez sympas. Et voilà, je tombe sur Avena, et Avena, je tombe sur M. Dormezin à l’époque, qui me dit… Non mais c’est insupportable quoi, moi je traverse la place et j’ai un chef étoilé et vous à 15 km de là, voilà et ça va à la région, Monsieur Deloste et ça va au national et voilà et c’est comme ça qu’est né le tout tout tout début, genèse du truc quoi, on travaille beaucoup après. Et on veut juste comprendre quoi, moi si on m’explique qu’il n’y a pas de solution, ok mais moi je pense qu’il y en a des bouts quoi et qu’on peut travailler et puis entre-temps… On est en 2016, notre rêve n’était pas de s’équiper. Dans un premier temps, c’était de dire, puisque les MDD démarraient, les marques distributeurs, pourquoi on ne fait pas une marque distributeur, Renalpine ou machin, et qu’ils soient distribués en région. C’était un peu ça mon imaginaire. On cherche, on se tâtonne et on cherche.

  • Orateur #0

À ce moment-là, au niveau de la coopérative, vous voyez que… Ça va pas le faire ?

  • Orateur #1

Moi je vois qu’une chose c’est qu’on a pas de solution et que la disparition fait partie de l’absurde. Ça gêne personne, il y a à manger dans les rayons. Je sens bien que ça écorche quelques-uns mais… pas tant que ça. Je sens bien que si on ne trouve rien, il faut faire autrement, il faut ouvrir l’état d’esprit, il faut provoquer un peu les choses. Je vous dis, cette chance-là, c’est d’avoir eu cette rencontre où là on va monter au niveau national et là où ma connaissance du milieu laitier fait que dans la questionnement avec, pour ne pas le nommer, Marc Delache, lui c’était vraiment quelqu’un d’être très atypique, l’humain en priorité, l’entreprise. Alors… Et donc il est intéressé par vouloir travailler. Pour créer un produit, on a besoin de plusieurs choses. On a besoin d’abord de la production, ça y est, elle est là. Brest-Val-de-Saône est en difficulté, 26 000 tonnes, 26 millions de litres de lait. et on est en grande difficulté. Il faut trouver le transport. Là, nous, on a notre propre structure, l’entreprise Duranceau a sa propre structure de collecte. On sait faire ça. Et puis derrière, il faut transformer du lait pour en faire quelque chose avant de le mettre en marché. Il faut trouver le marché qui lui va correspondre. La case finale, c’est la grande distribution. Moi, je n’ai pas choisi. C’est les Français aussi qui sont rentrés chez les distributeurs. C’est un constock. Majoritairement, le lait passe. Les produits de grande constitution. consommation, les PGC, les produits de grande consommation, eux, passent par la grande distribution beaucoup. Et notre produit fait partie des produits de grande consommation. Ben voilà, il faut trouver l’industriel. Et donc Marc Deloche qui me dit, on peut peut-être vous aider, nous, machin, et puis entre-temps, il me dit, mais tiens, en fait, nous, on a, ces jours-là, on avait, ça vous parle, ça, Nicolas Chaban ? Ben j’ai dit non, moi je connais pas Nicolas Chaban. Il me dit, les gueules cassées, les légumes moches, ben j’ai dit, si, j’ai vu deux, trois articles, oui, c’est le gars qui essaye de trouver de la valorisation sur ce qu’il faudrait pas acheter pour que les producteurs soient mieux valorisés. Il me dit Ah, ça serait bien qu’on contrier. Dans un premier temps, Marc Delage voit avec l’entreprise LSDH si c’est faisable, en me rappelant, en me disant J’ai quelques dates clés, 27 juin, rencontre avec le groupe Carrefour Marc Delage, 30 juin, Assemblée Générale de la clôture des comptes de l’année d’avant, donc de 2015, où ça s’est super bien passé, donc on clôture un bon résultat, mais on est dans une merde noire, parce qu’on est au mois de juin et on est payé 20 centimes, et il manque 120. 20 euros par jour par personne dans les exploitations présentes. Quand vous êtes 3, c’est 360 euros par jour. Donc ça fait un billet de 10 000 euros à la fin du mois. Ça va à une telle vitesse que…

  • Orateur #0

Pour 20 centimes, c’est ça ?

  • Orateur #1

Oui, ça doit être autour de 21, mais entre 20 et 21 centimes. Le prix de rupture doit être proche de 30. Et puis après, tu n’as pas de salaire aussi. Et puis après, il y a des charges qui s’accumulent. Et puis après, il y a les trésoreries qui sont effondrées.

  • Orateur #0

Tout se tient par l’effet domino.

  • Orateur #1

Ça va très vite. Moi, je sais que… En juin, je sais que c’est sûr qu’on passe pas Noël, mais je suis sûr que novembre est un moment clé quand même. Il faut aller vite.

  • Orateur #0

Alors cette rencontre avec Nicolas Chavannes ?

  • Orateur #1

Alors je trouve une salle, donc on en trouve point, Bajet, Machin, etc. C’est un peu compliqué, donc on se rabat sur le canton de Pont-de-Vaux, il y a beaucoup de producteurs et la mairie de Pont-de-Vaux nous prête leur salle de mairie. Elle s’appelle la salle bleue, c’est assez marrant. Donc le matin, plus tôt, on a une rencontre avec le groupe Carrefour, avec l’SDH pour voir la genèse un peu du projet. Alors on me dit… Il y a ce fameux dossier de lait que Nicolas Chaban a acheté. Donc il a balancé son questionnaire. Ça a plutôt bien répondu.

  • Orateur #0

Quand tu dis balancer son questionnaire, c’est que…

  • Orateur #1

Je vous explique un peu. Après, on rentre dans le fil du sujet. Puis après on nous avait quand même prévenu que ça serait un petit projet. Le questionnaire a été préparé par Laurent Pasquet. Il a été très bien préparé par Laurent avec les questions. Est-ce que vous voulez du lait international ou du lait français ? Donc si c’est français c’est plus cher. Est-ce que les vaches pâtures ? Oui, donc c’est un peu plus cher. Est-ce que c’est normal qu’un paysan prenne quelques jours de vacances ? Oui, c’est un peu plus cher. Les OGM ? Parlez-en ensemble. Parce que le groupe Carrefour m’avait dit que si on démarre il n’y aura pas d’OGM. Donc ok, il n’y aura pas d’OGM, c’est un peu plus cher. Et donc en bas on voit qu’au questionnaire ils sont nombreux à avoir des questions. On a répondu et ça sort pour nous 39 centimes vendus dans les magasins 99 centimes. Et 39 centimes c’est un truc de fou quoi. Moi à 34 on arrivait à vivre, on disait bon ben… On a une petite chance de payer, donc on disait, allez, si ça fait 5-7 millions, ça nous permet de payer un peu des dettes. La MDD, c’est un peu, c’est un marque distributeur. Si le groupe Carrefour sort sa marque Carrefour et qu’ils nous prennent le reste, on est à l’équilibre de nos exploitations. Allez, on va en baver, mais ça va tous négocier.

  • Orateur #0

Ça fait un petit aperçu de solution,

  • Orateur #1

de l’espoir. On donne une ligne d’espoir. L’entreprise, elle, elle a de la trésorerie. Après, c’est une histoire d’accords. Et puis, on a des taux d’intérêt qui sont bas, donc déjà. Et puis notre fournisseur principal d’argent c’est le Crédit Agricole. On se connaît parfaitement, la coopérative, la banque. Il y a un délégué exprès qui est délégué à l’époque. Merci Patricia Pont, il faut oser le dire aussi. Il y a des gens qui comme ça sont intéressés parfaitement au dossier et ont une forme de reconnaissance du rendu possible.

  • Orateur #0

Une espèce de chaîne qui s’est installée comme ça. Oui. Chacun à leur niveau, essaye de pousser dans le bon sens. Je veux juste revenir sur la rencontre avec Nicolas Chavannes.

  • Orateur #1

Le 6 septembre, donc je dis bien, on a une première discussion entre la création du possible, entre le groupe Carrefour et l’SDH essentiellement, et puis à quel moment nos contrats vont basculer chez l’SDH.

  • Orateur #0

Vous n’êtes que tous les deux ou vous êtes plusieurs ?

  • Orateur #1

Nous on y va, on est 4-5 délégués, donc le bureau de la coopérative. Chez l’SDH il y a donc bien entendu Emmanuel Vastex, son dirigeant, le DG, Philippe Lesser et une équipe commerciale. social, un peu juridique aussi. Il y a Marc Delinge qui représente le groupe Carrefour. Et on est rentrés dans un dialogue là-dedans. Donc on est encore en local, on est dans le monde rural.

  • Orateur #0

En fait tu arrives à les emmener sur le terrain ?

  • Orateur #1

Oui, ça ne pouvait pas être autrement. On avait aussi prévu des visites d’exploitation l’après-midi. Donc à 11h, on voit rentrer, arrive Nicolas Chaman et Laurent Pasquier, quelqu’un de très courtois, blagueur du sud aussi un peu, et qui détend l’atmosphère. Ça faisait du bien parce que ça commençait à devenir tendu. Moi j’avais peur qu’on allait encore morfler longtemps, longtemps, longtemps. …tant longtemps parce que… Et puis Nicolas arrive, Laurent fait le bilan du questionnaire, ça a super bien répondu. Donc les 99 centimes c’est ok, la couronne francilienne a coché parce que c’était la boxe, l’enquête avait été faite beaucoup, ils sont admiratifs, ils sont prêts à marcher, ça va fonctionner.

  • Orateur #0

Et tu y crois à ce moment-là, comment tu réagis ?

  • Orateur #1

Je suis quand même toujours tendu, mais M. Marc Delage dit le projet va faire 5-7 millions, et Nicolas me dit mais non, 5-7 millions, vous aidez personne. On démarre le truc, moi je suis sûr qu’on va tout déchirer. Puis Emmanuel, si vous ne prenez pas tout, on a aidé partiellement, on ne va pas aider ces gens, ça ne change rien.

  • Orateur #0

Il le met au pied du mur, c’est tout, rien.

  • Orateur #1

Ça y va, ça y va, ça y va. Emmanuel est aussi tenté parce qu’il sait qu’il n’a pas non plus des bassins d’approvisionnement à l’époque. La production française est très contractualisée, tu ne lâches pas du lait industriel comme ça, tu ne changes pas de main comme ça. C’est pas un caillou que tu déplaces d’un voisin à un autre. Donc c’est peut-être aussi une opportunité pour lui, on est organisé, il y croit aussi beaucoup. Et puis Nicolas arrive à bien nous le vendre et à un moment donné il dit Allez, vous allez, monsieur Delage, vous allez bien arriver à passer le reste dans une MDD, on va bien se débrouiller, on va trouver des solutions. Nous on accepte à Brest-Val-de-Saône de participer à l’accompagnement des kilomètres supplémentaires. Tout le monde fait chacun son bout de chemin dans son maillon, sans jamais rien signer, en se respectant, à créer un truc qui va fonctionner. Je dirais jamais assez merci à ces personnes qui étaient autour de la table.

  • Orateur #0

Chacun fait un petit pas en avant.

  • Orateur #1

Je pense qu’on a tout fait aussi pour que ça soit acceptable de tout le monde. Et sans jamais remettre en cause le lendemain matin. Ça a été ça la déclic. Moi ce que je retiens de Nicolas, c’est cette capacité-là d’avoir à faire tout. tourner le débat à un moment donné. Puis après, il y a eu une deuxième intervention qui est plus personnelle, où il m’a dit Je te préviens, il faut que tu libères du temps au maximum, parce que ça va déchirer la com’. On va faire rentrer les citoyens dans ton bâtiment, dans ta vie, vous n’avez rien à perdre, vous avez tout à gagner. Il faut absolument que tout le monde sache tout.

  • Orateur #0

Lui, son objectif, c’était les consommateurs, les ramener, les embaucher.

  • Orateur #1

Son groupe, c’est qu’il avait vu, il y avait déjà un petit moment qu’il voulait essayer… Les gens qui étaient dans les magasins spleniaques, ils n’arrivaient pas à lire le comportement des produits. C’est-à-dire, qu’est-ce qu’il y a dans le produit, comment il est fait. Puis lui avait une méthodologie assez logique de dire, c’est pas compliqué d’expliquer la vraie vie. Suffit juste de le dire. Mais ça ne pouvait pas se dire, puisque c’était presque incendiant pour les gens qui travaillaient en bas. Je suis désolé, c’est un constat quand même, c’est une réalité ça. Les plus basses retraites nationales, on les connaît. Les femmes d’exploitants, elles ont bossé… Ça n’a plus été le cas dans 20 ans, mais pour le moment, c’est le cas. Et donc c’est ça le truc, c’est ce dialogue-là de faire rentrer le citoyen qui lui avait répondu au questionnaire. En même temps, il continue. Et puis moi, j’en avais presque besoin. J’avais porté tout le monde. J’avais eu la trouille de ma vie de perdre des… Vous savez, il y a tellement des gens qui, quand ils doivent de l’argent, c’est compliqué. Quand la vie sociale se lâche, c’est compliqué. Mais quand le niveau familial commence à se déchirer pour l’argent, c’est encore plus compliqué. Et j’avais tellement… J’ai eu peur d’en perdre un dans l’équipe de producteurs dont j’étais président du groupe. Ça me hantait presque, ça.

  • Orateur #0

Quand tu dis perdre, qu’on dise les choses clairement, c’est un suicide. Tu craignais un suicide d’un agriculteur.

  • Orateur #1

Honnêtement, je pense que j’aurais été incapable de continuer l’aventure si j’avais eu ce type de truc. Si j’avais vécu quelqu’un qu’on se tutoyait, qu’on parlait de nos enfants, parce qu’on était quand même nombreux à avoir les enfants les mêmes âges, mais le fait d’arriver aussi proche de la lucarne du jour du tunnel, c’était inenvisageable pour moi. Donc c’est ça qui m’a donné la niaque aussi, c’était un exutoire, me présenter à un journaliste, ouvrir les portes, la réalité. Et c’est ce qui me donne la niaque, à ouvrir cette aventure au grand public, à prendre à bras le corps. A l’écouter, à l’observer, j’ai beaucoup observé Nicolas. Ok, j’ai piqué. J’ai beaucoup à apprendre, mais je vais apprendre longtemps, et il va me dépasser encore longtemps, je pense. Et puis, on a chacun nos domaines bien partagés, et on a un immense respect l’un pour l’autre, donc je pense que ça a complémenté le packaging. Dire les mêmes choses que c’est difficile, tout en respectant l’autre. On a fait 90% du chemin. C’est ça la grosse différence. Humainement, on s’est dit les choses aussi simples que ça. Personne n’a oublié à ce moment-là. Après, on s’éloigne, ça arrive des gens nouveaux. Il faut recréer la jeunesse. C’est ça qui est très compliqué. Là, créer, on y arrive parce que tu as les bons éléments au bon moment. Quand elle grossit ou quand elle se complique, c’est ça qui est difficile.

  • Orateur #0

C’est faire durer dans le temps.

  • Orateur #1

Vous avez une personne nouvelle qui rentre dans le schéma. Elle n’a pas l’historique, elle n’a pas le vécu, elle n’a pas la souffrance, elle n’a pas la détresse de certains. Elle a sa carrière et son application personnelle. C’est vachement compliqué, le monde de l’entreprise et le monde de l’explication de valeurs.

  • Orateur #0

Là, on est vraiment dans une histoire d’être humain, une rencontre. Moi, ce que je retiens, c’est… Au départ, il y avait quand même eu ce questionnaire.

  • Orateur #1

Non mais qu’est-ce qui se passe ? Nicolas, déjà à l’époque, il a fait comprendre aux distributeurs que si les gens ne rentraient pas chez eux, c’est parce qu’il y avait peut-être plein de trucs qui n’avaient pas fonctionné ou qu’ils avaient été oubliés. Et c’est vrai qu’un directeur de magasin, un directeur de plateforme, un distributeur, son dialogue, il l’a avec l’industriel. Puis que l’industriel, quand il a observé ses charges, ses machins, il fait quoi ? Il se retourne sur le maillon d’après, puis il l’appuie sur la tête, parce que de toute façon, il n’a pas les autres solutions. Ce qu’il faut, c’est essayer de tenir. Et comme c’est délégué à quelques personnes et que ça se joue sur quelques personnes, c’est le marasme global du bazar. Donc il faut casser tout ça. Et lui, qu’est-ce qu’il dit ? Les gens qui sont vos propres clients, qui vont répondre à dire Moi, je veux des fermes paysannes, je veux encore une agriculture française diversifiée, je veux une alimentation nécessaire aux Français, l’autonomie alimentaire est prioritaire, le modèle aussi, est-ce que moi, si je rentre dans votre magasin faire des achats, est-ce que je ne peux pas m’intervenir ? Et c’est là où ça change. C’est-à-dire qu’à un moment donné, le consommateur devient citoyen, consommateur, sociétaire, engagé. Et là, c’est là la grande différence.

  • Orateur #0

Oui, c’est ça. Là où je voulais en venir, c’est qu’on fait rentrer le consommateur dans le modèle économique. C’est-à-dire qu’on l’écoute enfin et on voit qu’il n’y a pas que les premiers prix qui l’intéressent. Oui,

  • Orateur #1

mais c’est…

  • Orateur #0

Et aussi, qu’est-ce qu’il y a derrière ces prix ? Comment on fait pour que…

  • Orateur #1

La première fois que j’ai rencontré deux sociétés en moins de mon exploitation, vous prenez les classeurs, il y a l’économie totale de l’exploitation, puis vous les ouvrez. Alors 2013, pourquoi on est parti là-bas ? Combien il manquait chez moi ? Combien manquait dans le groupe ? Le prix moyen ? Les salaires moyens ? Le coût de production ? 14, 15, Là on en est au tel l’année passée, là on est en train d’arriver. Tout s’explique, vous ouvrez ces écrits, c’est tamponné par le commissaire au compte de la coopérative, parce que c’est aussi un sous-système… Le thème coopératif qui clôture, tout est écrit. Rien n’est triché. Il y a une transparence. Et quand on renverse, qu’un tout d’un coup, on met au centre d’intérêt, dire c’est normal qu’un producteur puisse gagner sa vie normalement et qu’on l’annonce clairement. Nous, on annonce clairement le prix et c’est le consommateur. C’est lui. Et puis en plus, la marque lui appartient. C’est qui le patron ? C’est le consommateur.

  • Orateur #0

Quand on veut répondre à la question, c’est qui le patron ?

  • Orateur #1

C’est à la fois la genèse de la marque. Mais en plus, c’est contrôlé par lui. C’est-à-dire que lui s’invite dans la chaîne alimentaire. C’est le seul produit qui est comme ça. Après, il y a des organismes qui sont payés pour. Mais là, c’est le seul. C’est le client final qui ouvre son frigo, qui met le produit dedans, qui lui-même monte dans le train, va voir l’usine, va voir le distributeur, vient voir les producteurs. Le premier allié qu’on a dans la marque de tous les produits, c’est le consommateur. C’est le consommateur citoyen engagé. C’est ça qui est la différence.

  • Orateur #0

Et en fait, oui, quand on achète un pack de lait, c’est qui le patron ? On a presque le visage de l’agriculteur derrière. Voilà, ça donne… Il est incarné.

  • Orateur #1

Ça me fait sourire parce que certains ont mis des visages et ils ne correspondaient pas au lait. Donc, je me méfie des visages qui sont sur le lait. Non, je veux dire, ce qu’il faut que vous sachiez, c’est que c’est plus profond que ça. Le consommateur, quand il achète sa bouteille, d’abord, il a l’impression que c’est la sienne. Déjà, puisqu’il y a participé à la création.

  • Orateur #0

Oui,

  • Orateur #1

c’est vrai. Il se met à ouvrir son argent exactement. Donc voilà, il faut le dire aussi, ce produit, il permet à tout le monde de gagner sa vie. Ça marche. Et ça marche, et ça aide. Et c’est pire que ça. C’est le produit Most qui a été créé depuis 30 ans, qui a été aussi bien impliqué dans la société, qui a permis d’impliquer tout le monde dans la société. C’est une réussite parce que quand on a enlevé toutes les promos, quand on a tout enlevé, c’est le premier produit en termes de vente nationale. Mais parmi ce marché qui reste là, c’est la première brique la plus vendue de France et c’est là qu’il est intéressant. Ça a permis aussi à tout l’ensemble d’avoir des conditions de relations contractuelles plus sereines, moins agressives et moins violentes. Parce que je n’ai pas entendu dire à un moment donné que quelqu’un a été expulsé de sa… de son ramassage de son lait depuis que le patron est intervenu dans la bataille. Depuis que le citoyen est intervenu dans la bataille. On a un effet citoyenneté, un effet consommateur qui est très important. Pour moi, l’immense respect que je dois, c’est Nicolas, c’est sa façon d’aborder, c’est Emmanuel Vastex qui donne l’autorisation et qui y va, et qui prend une croissance qui est assez colossale aussi. Et tant mieux ! qui continuent à penser que le modèle français alimentaire, il y aura des gammes, il n’y a pas une gamme, on ne peut pas aller se battre sur un marché mondial, on a des marchés pleins qui peuvent souffrir, et puis on a ce respect entre nous, c’est ça qui est colossal.

  • Orateur #0

Il y a aussi une partie pédagogie, explication auprès des consommateurs. Récemment, en début d’année, vous avez fait beaucoup de…

  • Orateur #1

On en a fait tout le temps. C’est-à-dire que les gens qui se sont intéressés à nous, moi, je leur dis, mais venez nous voir. Vous êtes les bienvenus. On prend une demi-journée, on tourne, je vous fais voir des fermes. On sort les cahiers de comptables et on se met autour. On transmet. Ce qui s’est passé à Bresse-Val-de-Saune, dans cet petit répertoire de la zone, c’est colossal. J’étais persuadé qu’il y avait 60% d’exploitation qui était perdue. La totalité ont été reprises et sont reprises et continuent à être reprises par des gens qui produisent le lait, le même volume. On n’a pas un litre de lait supplémentaire, on a démarré avec 26 000 tonnes, on a 26 000 tonnes, ça veut dire que quand tu es au juste prix, tu n’as pas besoin de prendre sa place sur un marché. Ce côté respectable, c’est pour moi la clé ultime.

  • Orateur #0

Là, on a l’impression que c’est un cercle vertueux, un bon modèle apporte un autre quelque part au niveau des différentes productions.

  • Orateur #1

Ça a permis aux exploitations de se rendre résilientes. Elles vont mieux s’adapter au modèle qui est en train de se préparer. Ça a permis d’en mener, ça a permis d’autres d’y croire. C’est-à-dire qu’autour de nous, Val de Saône, on a le modèle légumes. Ils ont beaucoup progressé, ils changent aussi beaucoup. On a plein d’autres modèles qui sont en train d’essayer de dire, ouais, c’est possible, quoi, et de nous rejoindre. C’est-à-dire que, par exemple, nos fournisseurs se sont organisés aujourd’hui. Il y a une usine qui est en train de sortir, transformée de la protéine française. On aura du local, du Madine-Rhône-Alpes ou du Mardine. Une grande région, Made in France, c’est déjà un champion du monde parce que la protéine, on va la chercher très loin. On est en train d’embarquer un projet qui est assez sympa avec des fournisseurs qui, comme nous, on s’est sortis de la mouise et qu’on est devenus leurs clients fidèles aussi quelque part. Et puis nous, ça permet d’une partie de nos exploitations, on fait des céréales, on fait autre chose, on fait des oléagineux, donc colza, tournesol, ce genre, il sera transformé en local. Le tourteau, c’est une fois que vous avez enlevé l’huile. C’est le restant de la graine, et ce restant de la graine, c’est des sources de protéines pour le monde animal, mais aussi pour le monde humain. Et donc toutes ces sources-là, elles sont nobles, sont majoritairement importées, vont faire partie de notre zone. Quand vous avez des prairies et que vous avez des vaches, vous avez un stockage de carbone. Un stockage de carbone, c’est aussi la pollution automobile, la pollution d’activité humaine. Quand vous faites vivre quelqu’un correctement dans son milieu, il le dégrade moins. Mais c’est pire, il peut faire un deal pour l’améliorer. Le stockage de carbone, l’amélioration de la pollution, c’est un des points qui sont les plus importants. de l’équilibre alimentaire le plus régional possible, se respectent tous les uns les autres et ça passe pour les légumes, ça passe pour tous les produits alimentaires et peut-être même plein d’autres services. Cet impact-là, il est hyper fort dans le monde rural. Quelqu’un qui a les moyens, quand tu lui fais prendre conscience, c’est plus les gens étaient éloignés du monde agricole, plus quand tu leur as expliqué, c’est ceux qui ont eu envie de vous aider, de t’aider, de te tendre la main et de dire Non mais moi, donc s’il te plaît, je peux le faire Il y a effectivement… ce que veut nous répéter une société qui veut absolument être capitalistique et on a quand même des… des chaînes de maillons complètes qui sont que capitalistiques. Et puis il y a aussi des valeurs très humaines où ça passe aussi par une forme de répartition du capitalistique. Parce que si tu ne gagnes pas ta vie, forcément tu ne fais pas gaffe. Tu essayes de trouver pour rabioter, tu ne t’occupes pas de savoir si ça détruit ou ça ne détruit pas. Tu essayes de survivre. Tandis que quand tu fais un deal et que tu dis je peux aller là, et si toi tu m’aides à aller là, je suis à peu près sûr de pouvoir y aller. Quand tu as expliqué à quelqu’un que ça fait du bien, on est dans son territoire, On peut gagner sa vie, on peut respecter l’autre, on peut lui ouvrir ses portes. Et c’est cette capacité-là à Nicolas de dire, non mais toute notre société française, on est au pays des chefs étoilés.

  • Orateur #0

Voilà, qui aiment cuisiner avec des bons produits locaux, qui aiment aussi faire la promotion de leurs produits qui sont autour de chez eux. Une dernière question concernant la communication, j’ai noté que Nicolas utilisait souvent des phrases chocs, notamment celles permettre à ceux qui nous nourrissent de se nourrir Personnellement, moi je l’ai trouvé très très forte. C’est peut-être ça aussi la force de ces quilles patrons, c’est d’énoncer des vérités qui sont tellement évidentes. Qu’on les a presque oubliés, nous en tant que consommateurs. Il a dit, bah oui, effectivement, on ne va pas laisser mourir ceux qui sont à côté de chez nous et qui nous nourrissent.

  • Orateur #1

Il a dit une autre phrase choc qui est intéressante, c’est que la carte bleue est plus importante que le vote. Voilà, il a complètement raison. Ce qui s’est passé aussi, et il a raison, Nicolas, de le dire comme ça. C’est qu’à part que ça se faisait en silence, parce que le monde agricole, on a été de la chair à canon en 14-18, et puis tout doucement on a diminué en nombre, mais on n’a jamais été capable de prendre l’autorité de la parole. Ce qui aurait dû se faire par, alors je vais être un peu dur, mais ce qui aurait dû se faire par les présidents des très grosses coopératives, c’est tourner en espèce de machine infernale à essayer d’adapter les modèles qui ne se sont pas adaptés, qui ont plutôt été destructeurs qu’adaptations. La grande chance qu’on a… Cette aventure, c’est que monsieur et madame tout le monde devient collectif. C’est pas les grands contre les méchants, c’est pas les distributeurs contre les machins. C’est pas vrai, il y a des gens très bien partout.

  • Orateur #0

Je voudrais juste revenir aussi sur les ambassadeurs qui font partie du collectif. Les consommateurs ambassadeurs, c’est aussi une force du modèle de communication. C’est-à-dire,

  • Orateur #1

on a eu une masse de gens qui ont pris un euro, puis qui sont devenus, puis qui ont dit, tiens, moi je suis dernière année d’études, machin, je viendrai bien travailler chez vous. Et nous, on s’est dit… C’est dommage quand même de se priver d’une dynamique et des gens comme ça. Et donc, ils font le lien entre la masse des consommateurs qui viennent donner des coups de main dans les magasins, qui viennent animer, qui viennent contrôler dans les fermes, qui viennent faire la relation avec le grand public, avec le pouvoir aussi. Que l’avantage, ça a permis de faire ce lien en toute sérénité. On trouvait sympa, moi dans ma région c’est Elodie, quelqu’un qui a un parcours agricole, qui a été vendre des produits dans les exploitations, qui connaît… Bien le problème des exploitations, pour certaines en ont beaucoup souffert, d’autres, elles osaient même pas proposer le produit à vendre tellement c’était compliqué à ces endroits. Donc elle se dit, moi je passe du bon côté de la barrière et je vais faire ce lien en expliquant que de mettre le produit à la portée des consommateurs, monsieur vous faites du commerce, vous allez gagner votre vie avec le produit et en plus certains consommateurs vont l’acheter, ça va correspondre à une éthique d’une partie de vos clientèles qui rentrent, qui iront peut-être voir ailleurs s’ils le trouvent ailleurs et que vous le mettez pas ici. C’est ce lien là qui est important et en aucun cas on parle de prix parce que de toute façon il n’y a rien à tirer, c’est écrit par le consommateur.

  • Orateur #0

C’est pas sur le prix qu’on…

  • Orateur #1

Non, c’est sur les valeurs, c’est sur les valeurs de cette société qui a envie d’aider. Et puis le fait d’aider cette masse de gens là fait que globalement tu changes le comportement global. Et c’est là dessus que Nicolas compte. On va vers une stabilité, on a besoin de renouveler la génération, on a besoin de faire attention où on va parce que la météo, le climat… L’adaptation des modèles, etc. C’est tellement complexe, c’est tellement compliqué. Si on ne passe pas par là, on va aller droit vers une cata. À part que je pense que tant qu’on ne l’aura pas vécu, on ne va pas le croire.

  • Orateur #0

Moi, ce que je retiens, effectivement, c’est le collectif, les valeurs, la communication, le dialogue, qui a vraiment fait un peu le ciment entre toutes les parties.

  • Orateur #1

Le collectif des consommateurs, c’est un sous-ensemble, c’est les clients. Nous on a 16 millions de clients, il y a 14 000 sociétaires dans les clients, qui sont aussi des sociétaires. Puis après il y a 16 millions de personnes qui achètent les produits, mais qui par leur acte d’achat orientent et modulent une stratégie française d’alimentation. Est-ce qu’on continue tous ensemble à réfléchir à comment on fait pour aider la petite patate d’en bas ? C’est difficile. Et puis même allons-y, osons nos chefs étoilés qui pourront faire un peu mieux, et puis notre société française qui se modélise, et puis les priorités aussi. À un moment donné, il faut oser dire les priorités. L’intervention de l’homme, elle se sociabilise en collectif. Je reviens à mon collectif. L’agriculture est impliquée dans ce collectif vraiment ancré, et c’est la particularité de la grande zone ici. C’est la deuxième densification de la population française derrière l’île de France. Première surface de montagne. La prairie naturelle, le premier bassin des AOP-AOC. On a un savoir-vivre ensemble, on a deux options. Ou on se fait une confrontation et on fait disparaître les générations d’agriculteurs, on n’en parle plus. Ou on crée des collectifs. Et si c’est la société citoyenne qui le fait, elle va lui correspondre. C’est aussi simple que ça.

  • Orateur #0

Et tu fais vivre la réalité.

  • Orateur #1

Et dans la réalité, on fait vivre le mien de collectif. C’est-à-dire celui qui a permis aux producteurs de rester unis dans une coopérative où on est tous ensemble, où les gars sont heureux, où ils travaillent, où les contraintes, ils les acceptent parce qu’ils font partie de leur milieu. Les astreintes, tu les supportes, mais en plus tu ne gagnes pas ta vie. Mais il n’y a plus d’enfants qui s’installent. On ne peut pas dire, tiens, je vais me faire souffrir 40 ans. C’est tellement insensé. Et c’est ça la différence de la démarche. Ce rapport humain… de populations entre elles et de discussions entre elles. Je suis ravi de pouvoir les avoir dans les magasins, dans les fermes, on se régale. Je vois leur âme d’enfant immergée, de voir l’évolution aussi technique, parce que l’animal, il est libre, il sort, il a des brosses, il a les couchages parfaits. Si on accompagne par l’économique correctement, dire vous voulez aller où les enfants, tous ensemble, on va où ? Quand on va où et qu’on donne du temps, on ne fait souffrir personne.

  • Orateur #0

Ensemble, on reste ensemble.

  • Orateur #1

C’est aussi simple que ça. Le monde rural, il a besoin de l’intervention du monde urbain, parce qu’il y a la consommation, parce qu’il y a la densité. Si on laissait les acteurs être responsables de leur secteur, anticipons.

  • Orateur #0

Une dernière petite question avant de terminer cette passionnante discussion. Si tu avais une baguette magique, qu’est-ce que tu aimerais changer dans le monde rural ? Peut-être en… Priorité quoi que, tu viens de dire que les deux mondes urbains et mondes rurals, ils ont besoin l’un de l’autre.

  • Orateur #1

Non mais on a besoin de l’un de l’autre parce que la surdensité du monde urbain fait qu’il y a toutes les complications qui vont avec. Et puis la sous-population du monde rural rend la complication des gens qui coûtent cher dans le monde rural disparaissent. Donc ça va du service public, c’est un absence d’harmonie entre les deux qui fait que tout s’est compliqué. Je pense qu’il y a un manque d’humanisation globale qui fait qu’on réfléchisse tous ensemble. Et si cette société française qui dit non de temps en temps, on voulait l’entendre un tout petit peu pour dire, alors peut-être qu’il faut bouger le curseur, si on essayait quoi.

  • Orateur #0

L’audace, donner un peu plus d’audace.

  • Orateur #1

Il y a plusieurs choses. Il y a l’envie, il y a l’audace. Il y a l’autorisation A, avec un dialogue, un semblant de normalité.

  • Orateur #0

Et donc la baguette magique, ce serait cette reconnaissance ?

  • Orateur #1

Moi, je vais vous dire quand même, c’est assez simple. Toujours accompagner le consommateur. Et moi, je suis surpris d’avoir passé un salon d’agriculture avec des gens qui sont venus. On a énormément partagé avec un engagement de gens qui est assez colossal. Et ça progresse. Et c’est preuve que notre société a envie. Donc, à un moment donné, le mec a trouvé ses valeurs. C’est de lui… aider à ce qu’elle soit une reconnaissance de sa valeur. C’est tout. Les consommateurs créent leur propre repère. Voilà. C’est ça la société de consommation. La démarche, c’est qu’il est le patron sociétal. Mais elle est citoyenne. On peut reprendre le pouvoir sur nos décisions, nos vies. Vous pouvez parler à un mur qui vous dit Oui, mais moi, c’est mon client final, je m’en fous. Ou dire Le client final, non, mais non, c’est le client final qui vient vers le producteur. La mécanique est renversée.

  • Orateur #0

Merci beaucoup, Martial.

  • Orateur #1

Merci. Merci, Gaëlle. J’ai été très long.

  • Orateur #0

Ça valait le coup.

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